Agence Ecofin : En tant que ministre des Mines et des Ressources Stratégiques de la République de Madagascar, quelle appréciation faites-vous de cette nouvelle ère de la norme ITIE qui a été dévoilée officiellement cette année à Dakar ?
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala : Je tiens à préciser que Madagascar est un pays candidat à l’ITIE depuis 2008, et il existe un processus de validation requis pour devenir membre. Depuis notre candidature en 2008, nous avons déjà effectué une première validation en 2017, puis la deuxième en 2019. À présent, nous nous préparons pour la troisième et dernière validation qui nous permettra de devenir membre officiel de l’ITIE. Je suis rempli d’un sentiment d’optimisme quant à la conclusion imminente de ce long processus de validation en tant que pays membre. C’est un engagement fort et une conviction profonde dans le processus de transparence, en particulier dans les domaines extractifs à travers les différents districts de notre pays. L’objectif de notre démarche en faveur de la transparence est d’améliorer la gestion de nos ressources extractives et la nouvelle norme est accueillie avec beaucoup d’enthousiasme.
Agence Ecofin : Il faudra attendre la décision du secrétariat international de l’ITIE sur votre requête de statut de membre, mais d’emblée des premiers impacts ont déjà été observés selon les statistiques de votre ministère des Finances. Pourriez-vous fournir des détails sur ces impacts directs déjà perceptibles dans l’économie de Madagascar ?
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala : Ces derniers temps, nous avons pris des engagements en faveur de la transparence. Par exemple, pour les valeurs de référence des produits miniers destinés à l’exportation, nous avons consulté de manière transparente les parties prenantes. L’année dernière, nous avons entrepris une mise à jour inclusive et transparente de toutes les valeurs des produits miniers. Nous avons également lancé des processus visant à encadrer les petits exploitants artisanaux, assurant ainsi la responsabilité et la traçabilité des produits depuis leur source, à travers toute l’île de Madagascar.
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala et Idriss Linge, rédacteur-en-chef de l’Agence Ecofin.
En 2022, nous avons déjà ressenti un impact significatif, avec les valeurs d’exportation des produits miniers atteignant des sommets sans précédent. En 2022, les exportations de produits miniers ont atteint 5440 milliards d’ariary, comparé à 2900 milliards en 2021, 1800 milliards en 2020 (en raison de la pandémie de Covid-19) et 2300 milliards en 2018. De plus, dès le mois de mai de cette année, nous avons déjà dépassé les valeurs d’exportation de 2018, soit en seulement six mois. Ces résultats sont dus aux réformes de transparence que nous avons mises en place, non seulement en ce qui concerne les valeurs des produits, qui constituent la base pour les redevances et les ristournes, mais aussi en termes de canalisation des produits vers le secteur formel.
En conséquences, nous avons directement ressenti les effets positifs de ces réformes cette année, tant au niveau national qu’au niveau local.
Agence Ecofin : Bien que la richesse de la faune et de la flore de Madagascar soit mondialement reconnue, le potentiel minier de ce pays reste largement méconnu. Pourriez-vous nous éclairer sur la valeur actuelle de ce potentiel et, surtout, quel est le niveau d’exploitation qui suscite votre souhait d’améliorer la gouvernance dans ce domaine ?
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala : Nous avons été bénis par les ressources naturelles, tant du point de vue géologique que du bassin sédimentaire. Dans les formations géologiques, nous trouvons une variété de pierres, de métaux de base, de métaux ferreux, non ferreux et précieux. De plus, le bassin sédimentaire renferme des ressources pétrolières et gazières. Cependant, pour l’instant, la plupart de ces ressources restent largement inexploitées et nécessitent des investissements afin de les transformer en richesses tangibles.
Certaines grandes exploitations existent déjà, comme le nickel-cobalt, opéré par un consortium japonais-coréen (auparavant canadien). Sans oublier notre présence significative dans l’exploitation de pierres précieuses telles que le saphir et le rubis. Malgré tout, il est essentiel de formaliser ces activités afin que ces ressources puissent réellement bénéficier à la communauté.
« Nous disposons également de ressources clés pour répondre à la transition énergétique, telles que le lithium, le nickel-cobalt et le graphite. »
Nous disposons également de ressources clés pour répondre à la transition énergétique, telles que le lithium, le nickel-cobalt et le graphite. La transition énergétique se concentre notamment sur la conservation et le stockage de l’énergie, ce qui rend le lithium-ion extrêmement recherché. Le graphite est utilisé pour l’anode, tandis que le nickel, le cobalt, le manganèse et le lithium sont essentiels pour la cathode et l’électrolyse. Ces ressources se trouvent en abondance chez nous, et nous souhaitons les exploiter de manière structurée pour en tirer le meilleur parti au profit de notre pays.
Récemment, nous avons adopté un nouveau code minier qui aborde spécifiquement ces substances stratégiques, tout en prenant en compte les évolutions mondiales, notamment dans les domaines de la transition énergétique et de la transition numérique. La transition numérique requiert également de nombreuses substances, telles que les terres rares et le cuivre, qui sont également présentes sur notre territoire.
Dans l’ensemble, nous voulons que nos ressources minières jouent un rôle essentiel dans le développement et l’émergence de notre pays, conformément aux normes internationales. Notre président a fait de la question des ressources naturelles son dixième engagement, soulignant l’importance de gérer durablement ces ressources pour le bien-être du pays. Il est crucial d’adopter des processus de transparence et de reddition de comptes pour une gestion véritablement durable, car ces ressources naturelles sont non renouvelables et leur impact doit être ressenti au sein de la population.
Agence Ecofin : Cet engagement en faveur d’une exploitation durable et transparente va au-delà de la société civile et du secteur privé. Il nécessite également la participation des entités publiques telles que les ministères de l’Environnement, des Finances et autres. Dans quelle mesure ces acteurs, et votre département des Mines et des Ressources naturelles, sont actuellement sensibilisés à cette question ?
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala : En effet, vous avez raison. Outre les acteurs de la société civile et les secteurs privés, nous avons mis en place ce que nous appelons des groupes multipartites. Ces groupes comprennent des représentants du secteur privé et du gouvernement, qui sont tous deux présents au sein du Comité National et du comité national des représentants permanents et suppléants.
« Lorsque nous parlons de transparence, il est crucial de s’assurer que les paiements des ristournes et des redevances sont effectués de manière appropriée et transparente. »
Leur participation est extrêmement précieuse dans le processus, car lorsque nous parlons de transparence, il est crucial de s’assurer que les paiements des ristournes et des redevances sont effectués de manière appropriée et transparente, notamment au niveau des trésors publics. Il est essentiel de sensibiliser et d’impliquer ces acteurs dans ces questions afin de garantir une gestion responsable et équitable des ressources.
Agence Ecofin : Quid des méthodes de calcul de la part revenant ?
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala : Récemment, nous avons pris des mesures visant à centraliser le calcul des ristournes et des redevances. Il existe un consensus entre le ministère des Finances et le ministère des Mines concernant les critères et les valeurs à utiliser pour évaluer ces paiements. Cette collaboration fonctionne très bien, et même la primature est impliquée dans ce processus. Au niveau de Madagascar, le groupe multipartite fonctionne de manière efficace, et j’ai le privilège d’avoir à mes côtés le chef de file du groupe gouvernemental et le chef de file du groupe de la société civile au sein de cette délégation. Cela démontre que le groupe multipartite fonctionne conformément aux normes établies.
Je tiens également à souligner la collaboration étroite entre notre ministère et le ministère de l’intérieur et de la décentralisation. Cette collaboration est renforcée par le fait que la gestion des ressources minières implique également la décentralisation, car les mines se trouvent dans les communautés locales. En effet, nous collectons les paiements, mais leur utilisation se fait au niveau local. C’est ainsi que fonctionne le processus.
Agence Ecofin : Vous avez mentionné la nécessité d’un secrétariat permanent pour assurer le bon fonctionnement du processus multipartite. Il est également crucial que ce secrétariat dispose d’un personnel rémunéré de manière adéquate, à l’abri des défis financiers. Comment l’État de Madagascar garantit-il cela, compte tenu des nombreuses demandes du peuple et de la disponibilité limitée des ressources ?
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala : En effet, lorsque nous avons entamé le processus d’intégration des normes de l’ITIE en 2008, le financement provenait principalement des partenaires techniques et financiers tels que la Banque mondiale. Cependant, cette année, le gouvernement a pris des mesures pour assurer le fonctionnement normal du Secrétariat exécutif de l’ITIE. En mars, l’ITIE Madagascar a été intégré en tant qu’établissement public à caractère administratif. Cette nouvelle structure permettra au ministère des Finances de transférer des fonds pour assurer son fonctionnement. Il s’agit d’un engagement du gouvernement visant à garantir la durabilité du l’ITIE Madagascar, afin qu’il ne dépende pas uniquement des dons, mais bénéficie de l’engagement de l’État en attribuant des budgets annuels pour son fonctionnement.
Nous avons récemment nommé un agent comptable pour le l’ITIE Madagascar, qui sera responsable de la gestion des finances publiques et du transfert de ces fonds. Tout cela est mis en place pour garantir la pérennité de l’organisation, et plus important encore, démontre l’engagement du gouvernement à le faire fonctionner de manière efficace.
Agence Ecofin : Peut-on dire que Madagascar a déjà validé les exigences de l’ITIE sur l’engagement des parties prenantes ?
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala : La validation et la pérennité de l’ITIE exigent des mesures plus précises. Cependant, je suis ravi de vous informer que nous sommes sur la bonne voie. Nous sommes réellement optimistes quant à la validation et à la pérennité de l’ITIE. Nous travaillons activement pour répondre aux exigences et nous sommes confiants quant à notre capacité à assurer la pérennité de cette initiative importante.
Agence Ecofin : La mise en œuvre de la norme ITIE nécessite un processus d’apprentissage prolongé de la part des parties prenantes. Aujourd’hui, avec l’adoption d’une nouvelle norme, il s’agit pratiquement d’acquérir de nouvelles connaissances. Des questions telles que la fiscalité dans le secteur extractif, la transparence des bénéficiaires effectifs, le suivi des paiements sociaux et des enjeux liés au genre, ainsi que la protection des droits des femmes qui sont souvent gravement affectées au sein des communautés, se posent. Bien que votre processus de validation soit imminent, comment envisagez-vous de vous conformer à ces exigences, tant pour la validation en cours que pour les futurs processus ?
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala : En effet, nous avons déjà validé plusieurs mesures et nous sommes sur la bonne voie. Nous reconnaissons qu’il y a un processus d’apprentissage continu, et cette année, nous avons organisé deux formations financées par la Banque mondiale pour les groupes multipartites. L’objectif de ces formations était de garantir que tous les participants disposent du même niveau d’information sur les exigences en constante évolution des normes de l’ITIE. De plus, nous avons récemment organisé une autre formation la semaine dernière, axée sur les contrats miniers.
Le gouvernement a également fait un pas en avant en intégrant les processus de transparence dans la loi. Nous avons inclus un chapitre entier dédié à cette question dans le nouveau code minier, plus précisément à l’article 297. Cela implique que la participation de tous les acteurs du secteur minier, y compris ceux qui obtiennent des permis, soit intégrée dans le processus de manière obligatoire. De même, nous avons pris des mesures similaires en ce qui concerne la question du genre, en les intégrant également dans le nouveau code afin de pérenniser ces processus.
Par ailleurs, lors du discours d’ouverture, il a été souligné l’importance des responsabilités sociétales des entreprises (RSE). Dans notre nouveau code, nous avons rendu obligatoire l’établissement d’un plan de responsabilité des entreprises, qui sera concrétisé par une convention tripartite entre les populations locales, les autorités locales et les exploitants miniers.
« Nous avons intégré dans la loi, des mécanismes pour rendre les actions des sociétés transparentes et pour encourager le dialogue direct avec les populations.»
Cette approche garantit la transparence du processus et permet aux populations de connaître les obligations des entreprises. Auparavant, les plans RSE étaient parfois confiés à des ONG pour leur mise en œuvre, ce qui faisait que les populations se sentaient exclues et que les impacts n’étaient pas toujours ressentis. Avec ce nouveau code, nous avons inclus la nécessité de mener des discussions entre toutes les parties concernées afin de déterminer les attentes des populations et d’évaluer l’impact en fonction de la conformité à ces attentes.
Nous pensons que pour l’avenir, les sociétés minières doivent faire partie intégrante des normes de l’ITIE, dès l’obtention des permis, car cela devient une obligation. Cependant, l’objectif va au-delà de la simple conformité. Nous visons l’amélioration de la reddition de comptes, de la transparence et de l’impact positif.
C’est pourquoi nous avons intégré dans la loi, des mécanismes pour rendre les actions des sociétés transparentes et pour encourager le dialogue direct avec les populations. De plus, nous avons introduit dans le code minier l’exigence d’un plan d’information et de formation pour les communautés locales et les acteurs locaux, afin de renforcer leurs connaissances, leurs capacités et leur participation.
Cette mesure vise à anticiper les problèmes liés aux transferts de prix et à éviter que les contrats ne soient pas compris par les parties prenantes. À cet égard, nous avons exigé dans la nouvelle loi, à l’article 242, que les contrats soient remis aux maires, y compris les annexes et les cahiers de charges, afin qu’ils puissent comprendre et expliquer ces documents.
« Nous avons exigé dans la nouvelle loi, à l’article 242, que les contrats soient remis aux maires, y compris les annexes et les cahiers de charges, afin qu’ils puissent comprendre et expliquer ces documents.»
Nous sommes convaincus que ces mesures et ces exigences, notamment l’intégration des normes de l’ITIE dès le début, la mise en place de plans de responsabilité des entreprises, la transparence des contrats et l’obligation de remettre les cahiers de charges aux autorités locales, contribueront à améliorer la redevabilité, la transparence et l’impact positif de l’industrie minière dans notre pays.
Agence Ecofin : L’engagement pour l’objectif de transparence dans le secteur extractif requiert des sacrifices sur le budget, eux-mêmes guidé par des objectifs d’impacts. Quels sont les impacts que vous espérez atteindre dans la mise en œuvre de cette initiative ?
Dr. Olivier Herindrainy Rakotomalala : Nous souhaitons que notre processus soit transparent et que les effets de l’extraction de nos ressources se fassent sentir au niveau des communautés locales où ces ressources sont exploitées. À l’échelle nationale, ce processus vise à augmenter la contribution du secteur minier au PIB à long terme. Nous avons déjà commencé à ressentir certains effets immédiats des réformes mises en place. Par exemple, depuis l’année dernière, nous avons formalisé les acteurs locaux des mines artisanales grâce à l’adoption d’un cadre réglementaire en 2022. Cela a permis d’instaurer un processus transparent dès la source, car auparavant, il y avait des risques de fraude et de contournement des réglementations. Maintenant, avec un processus transparent et encadré, nous avons enregistré cette année des recettes d’exportation parmi les plus élevées depuis l’existence de Madagascar. Bien que cela puisse être un résultat ponctuel, nous pensons que lorsque ces mesures seront pérennisées, elles apporteront davantage de ressources financières directement au pays.
Nous n’avons pas à attendre longtemps pour ressentir les effets au niveau de la sécurité. Lorsque les gens peuvent travailler de manière transparente avec des documents officiels délivrés par l’État, ils préfèrent rejoindre des groupements miniers artisanaux encadrés par l’État au lieu de s’engager dans des activités illicites telles que le vol de bétail. Cela a immédiatement un effet positif sur la sécurité locale et suscite une fierté au sein des communautés.
De plus, nous avons mis en place des dispositions pour que les redevances minières soient payées directement au niveau des trésors régionaux plutôt qu’au niveau central.
« De plus, nous avons mis en place des dispositions pour que les redevances minières soient payées directement au niveau des trésors régionaux plutôt qu’au niveau central.»
Cela renforce la reddition de comptes et permet de ressentir immédiatement les effets au niveau local. Nous avons également simplifié le processus de transport des produits miniers en autorisant les transports au niveau régional sans paiement préalable, mais avec un calcul administratif effectué par l’administration. Cette mesure facilite la traçabilité et le reversement des redevances vers les régions et les communes.
Entretien réalisé par Fiacre Kakpo à Lomé et Idriss Linge à Dakar.
Source : Agence Ecofin