Skip to main content

Les pays africains attirent ces dernières années des milliards d’investissements dans le secteur minier, notamment en raison de la richesse du sous-sol du continent pour les minéraux critiques. La Chine fait partie des principaux bailleurs de fonds dans ce domaine.

L’investissement minier dans les pays développés comme l’Australie et le Canada présente des difficultés à cause des « relations géopolitiques ». C’est du moins ce qu’affirme cette semaine Li Chaochun (photo), vice-président et directeur des investissements du chinois CMOC, qui préfère, pour cette raison, investir dans d’autres régions comme l’Afrique et l’Amérique du Sud.

Le Canada et l’Australie sont deux pays dans lesquels CMOC n’exploite pas de mine, contrairement à l’Afrique et l’Amérique du Sud. CMOC exploite notamment des mines de cuivre-cobalt en RDC. Mais la sortie de M. Li intervient surtout dans un contexte marqué depuis plus d’un an par plusieurs blocages des investissements chinois dans les métaux critiques au Canada et en Australie.

Au Canada par exemple, le gouvernement fédéral a ordonné à Sinomine, Zangge Mining et Chengxin Lithium de céder leurs différentes participations dans trois sociétés cotées en bourse et actives sur le lithium. Du côté de l’Australie, Canberra a empêché des investissements de Yibin Tianyi et de Baogang dans AVZ Minerals et Northern Minerals.

Pour les autorités de ces deux pays, il s’agit d’une question de « sécurité nationale », car les minéraux critiques sont essentiels aux plans de transition énergétique, notamment pour les véhicules électriques et les énergies renouvelables. Or, la Chine domine ce secteur et les pays occidentaux cherchent à réduire son influence.

Tout n’est pas rose sur le continent…

Pour les raisons évoquées plus haut, l’affirmation de M. Li pourrait passer pour une opération de communication destinée surtout à promouvoir les juridictions où CMOC est présente. Elle n’est cependant pas dénuée d’éléments objectifs, quand on examine l’engouement que suscite le continent auprès des investisseurs miniers. En 2019 déjà, Robert Friedland, dont la compagnie Ivanhoe est aussi présente en RDC, affirmait que ce pays est un meilleur endroit où investir dans le cuivre que le Chili, pourtant premier producteur mondial du métal rouge.

La RDC est devenue en 2022 le troisième producteur mondial de cuivre et domine toujours l’approvisionnement mondial en cobalt avec 70 % de l’offre. Le Zimbabwe fait partie des principaux producteurs mondiaux de lithium, alors que le Mozambique est le premier producteur de graphite en dehors de la Chine. D’autres pays du continent hébergent d’immenses réserves de ces différents minéraux, qui sont tous indispensables à la transition énergétique.

L’australien Atlantic Lithium, soutenu par l’américain Piedmont Lithium, s’apprête ainsi à consacrer environ 200 millions $ à la construction de la première mine de lithium du Ghana, alors que le canadien Barrick prévoit d’investir 2 milliards $ pour augmenter sa production de cuivre en Zambie. L’importance du sous-sol africain a également incité les États-Unis, en partenariat avec l’Union européenne, à s’impliquer dans le développement du corridor de Lobito qui reliera les mines de cuivre et cobalt congolaises et zambiennes au marché mondial.

Tout n’est cependant pas rose sur le continent, à commencer par la question de l’approvisionnement énergétique. M. Li a ainsi souligné que la capacité d’électricité disponible actuellement en RDC suffit à alimenter les opérations de CMOC, mais ne permettrait pas à long terme un agrandissement des opérations.

« Il n’y aura pas d’amélioration majeure dans un court laps de temps étant donné que les projets, par exemple dans le domaine de l’hydroélectricité, peuvent prendre du temps et être limités par les conditions de l’infrastructure locale », explique M. Li.

Le cas de la RDC n’est pas isolé, puisque l’approvisionnement énergétique fait partie des raisons évoquées en 2022 par Huayou Cobalt, pour ne pas développer à court terme des projets de transformation locale au Zimbabwe. Outre le défi de l’énergie, l’instabilité réglementaire et politique fait partie des autres raisons souvent évoquées par les investisseurs miniers pour ne pas venir en Afrique.

Dans son dernier rapport portant sur l’attractivité des juridictions minières dans le monde, le Fraser Institute ne classe ainsi que deux pays africains dans le top 20 mondial, soit le Botswana à la 10ème place et le Maroc à la 16ème place. Huit des dix juridictions les moins bien moins classées se trouvent par ailleurs en Afrique. Il faut dire que l’indice utilisé par le think tank canadien est une synthèse entre le potentiel minéral et la politique minière de la juridiction concernée. Sur ce second aspect, l’Afrique accuse en effet du retard par rapport à d’autres régions minières.

« Il nous compare à la RDC qui a une histoire d’instabilité et de non-respect des règles du jeu. Le Chili est un pays sérieux avec des règles claires et permanentes », reprochait d’ailleurs à M. Friedland en 2019, le ministre des Mines chilien, Baldo Prokurica.

Emiliano Tossou

Source : Agence Ecofin

Leave a Reply