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Alors que le continent ne cesse de réclamer son droit de poursuivre l’exploitation de ses importantes ressources énergétiques fossiles pendant quelques décennies supplémentaires au nom de la justice climatique, l’industrie africaine du raffinage ressent déjà les dommages collatéraux de la transition énergétique en cours à l’échelle mondiale.

L’industrie du raffinage pétrolier en Afrique a du mal à attirer les investissements nécessaires pour répondre à la hausse de la demande de carburant sur le continent, en raison notamment de l’accélération de la transition énergétique, des surcapacités structurelles à l’échelle mondiale et de l’érosion de marges bénéficiaires des raffineries, selon un rapport publié le 8 juin par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels de plusieurs secteurs.

Intitulé « La difficile équation de l’industrie africaine du raffinage pétrolier », le rapport indique qu’à l’exception de l’Afrique du Sud, les plus grandes capacités de raffinage de pétrole en Afrique sont détenues par de grands producteurs d’or noir. Avec 833 000 barils par jour, l’Egypte disposait de la plus grande capacité de raffinage sur le continent en 2021 devant l’Algérie (677 000), la Libye (634 000), l’Afrique du Sud (520 000) et le Nigeria (486 000).

En 2020, le volume de produits pétroliers raffinés générés par l’ensemble des pays africains s’est établi à 1,8 million de barils par jour. Cela représente 2,4% du volume produit à l’échelle mondiale durant la même année. Entre 2009 et 2019, le volume de production des produits pétroliers a ainsi chuté de 1,2% sous l’effet du vieillissement des infrastructures existantes du manque d’investissement dans ce segment.

L’Afrique compte pourtant pour 4% de la demande mondiale de ces produits pétroliers finis. En 2021, le continent a même enregistré la plus forte croissance de la demande de ces produits pétroliers à l’échelle planétaire (+7,8%), avec des pics allant à +9,5% en Egypte et à +8,6% en Afrique du Sud.

Le Nigéria est le premier consommateur africain de produits pétroliers raffinés avec 173 millions de tonnes d’équivalent pétrole (tep) devant l’Afrique du Sud (137 millions), l’Egypte (101 millions) et l’Algérie (61 millions).

Un débat vif

Le rapport élaboré par notre confrère Olivier de Souza souligne que la majorité des raffineries en activité sur le continent fonctionnent en deçà de leurs capacités réelles, en raison notamment de problèmes de vétusté, du manque de maintenance et des investissements limités.

Au regard de ces facteurs opérationnels, l’Afrique exporte une bonne partie de sa production de pétrole brut vers les pays du Moyen-Orient et d’Europe. Dans ces régions, les frais d’exploitation des industries du raffinage sont plus abordables que ceux pratiqués dans les raffineries africaines. Dans ces conditions, les gouvernements africains privilégient les importations et les subventions aux carburants pour répondre à la demande croissante des produits pétroliers raffinés bien que la production africaine de brut soit plus que suffisante pour satisfaire la demande en produits pétroliers finis.

 Le rapport précise dans ce cadre que la transition énergétique à l’échelle mondiale constitue l’un des plus grands freins à l’arrivée des investissements dans l’activité du raffinage du pétrole. D’autant plus que cette transition impose une certaine retenue de la part des acteurs du secteur, notamment dans l’orientation de leurs dépenses. Les opérations de raffinage génèrent environ 5% des émissions de carbone de l’industrie pétrolière et gazière mondiale, principalement en raison des processus de conversion chimique à forte intensité énergétique. Pour changer cette situation, il faudra introduire des technologies de captage et de stockage du carbone, électrifier le fonctionnement des équipements et utiliser des énergies propres comme source d’énergie. Mais le débat reste vif dans le secteur pour savoir si les émissions de carbone dues aux produits pétroliers doivent être supportées par les producteurs ou les consommateurs finaux. De plus, plusieurs voix s’élèvent pour défendre le droit de ce continent, où près de la moitié de la population n’a pas encore accès à l’électricité, de recourir abondamment aux énergies fossiles à sa disposition pour alimenter sa croissance économique.

Des marges en chute libre

Le deuxième plus grand défi auquel l’industrie africaine du raffinage pétrolier est confrontée concerne les surcapacités structurelles de raffinage à l’échelle mondiale, malgré la fermeture de plusieurs raffineries. Alors que l’utilisation de la capacité de raffinage mondiale s’est située en moyenne juste au-dessus de 75% en 2021, il existe encore 20 raffineries peu performantes en Asie, en Europe et en Amérique du Nord, qui devraient mettre la clef sous la porte dans les prochaines années. À partir de 2030, le monde ne devrait maintenir que 90% de la capacité d’exploitation de 2019. A l’horizon 2050, l’industrie mondiale du raffinage devrait se réduire à un tiers de sa capacité actuelle, et le nombre de raffineries en activité devrait passer de plus de 700 aujourd’hui à moins de 150.

Par ailleurs, la réduction des marges bénéficiaires des raffineries n’arrange pas les choses. Selon les données du cabinet de conseil Wood Mackenzie cité par le rapport, la marge combinée mondiale de l’industrie du raffinage pour 2021 a été en moyenne de 1,80 dollar par baril, soit moins de la moitié de la moyenne enregistrée sur la période 2015- 2019, qui s’était située à 4,25 dollars par baril.

Compte tenu de ces vents contraires, le rapport fait remarquer que les taux d’utilisation des raffineries africaines devraient rester faibles, à moins que les plans annoncés d’augmentation des investissements pour l’extension et l’accroissement des capacités ne se concrétisent. De nouvelles raffineries ont été annoncées dans des pays comme le Nigeria, l’Egypte, l’Angola, le Tchad, la Côte d’Ivoire, le Mozambique, l’Afrique du Sud, le Soudan du Sud et l’Ouganda. Des doutes subsistent cependant sur la possibilité de mener ces projets à bon port surtout que les gouvernements africains privilégient les subventions aux carburants, ce qui ne fait pas toujours les affaires du secteur privé. D’ailleurs, à l’exception d’une poignée de projets, dont celui de la raffinerie construite par le milliardaire nigérian Aliko Dangote dans la zone franche de Lekki, les raffineries ne séduisent plus les investisseurs privés.

Source : Agence Ecofin

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