Le rapport souligne que le fait d’empêcher les enfants de venir travailler dans les mines en érigeant des clôtures, en aménageant des points d’accès et en organisant des patrouilles ne fait que les refouler vers d’autres zones ou secteurs où ils sont parfois exposés à un risque accru.
Dans les communautés entourant les mines de cobalt en République démocratique du Congo (RDC), l’amélioration des revenus des exploitantes minières artisanales représente le meilleur moyen de lutter contre le travail des enfants dans le secteur, selon un rapport publié le 13 juillet par IMPACT, une ONG canadienne qui œuvre pour la transformation de la gestion des ressources naturelles dans les zones où la sécurité et les droits de la personne sont menacés.
Intitulé « Dépendance des familles envers le travail des enfants : arguments en faveur d’une amélioration des moyens de subsistance des femmes pour mettre fin au travail des enfants dans le secteur du cobalt en République démocratique du Congo », le rapport rappelle que la RDC produit plus de 70% de ce minerai utilisé dans les batteries rechargeables à travers le monde.
La majorité des volumes de production de ce pays d’Afrique centrale sont extraits par de grandes sociétés minières. Mais avec la demande de cobalt qui devrait dépasser l’offre, l’exploitation minière artisanale a gagné du terrain.
On estime que 20 à 30 % du cobalt de la RDC est extrait de manière artisanale, puis vendu à des négociants qui évoluent en marge des grandes sociétés minières, afin d’être intégrés ensuite à leur chaîne d’approvisionnement légitime.
Trois raisons poussent les femmes vers l’exploitation minière artisanale : son caractère lucratif qui en fait le travail le mieux rémunéré de tous ; la possibilité d’empocher de l’argent à la fin de chaque journée ; et l’absence d’investissement et le peu de formation et de compétences nécessaires. Les inégalités règnent toutefois dans les mines. Les femmes y sont parfois ostracisées et interdites d’accès, car il est traditionnellement d’usage de croire que leur présence porte malheur. Et quand elles y sont admises, elles assument les tâches les moins lucratives comme le lavage du minerai. De plus, elles se disent flouées au moment de vendre leur minerai. Les femmes affirment toucher entre 2,15 et 8,60 dollars US jour, les sommes les plus élevées correspondant aux jours où elles découvrent du cobalt.
S’attaquer aux racines du mal
Le rapport, qui se base notamment sur des entretiens avec des exploitantes minières artisanales, révèle que beaucoup de femmes ont ainsi du mal à joindre les deux bouts alors que leur famille dépend en grande partie de leur revenu. Cette situation prévaut même si elles sont mariées, puisque le revenu de leur mari est variable ou insuffisant. De plus, les hommes abandonnent souvent aux femmes la responsabilité de s’occuper des enfants et de gérer le foyer.
A bout de ressources, les familles n’ont d’autres choix que de permettre à leurs enfants de travailler dans les mines pour les aider à payer les coûts de la nourriture, des vêtements, des frais de scolarité. Certains enfants sont encouragés par leurs parents. D’autres suivent d’eux-mêmes les traces de leurs frères et sœurs, amis et voisins.
L’exploitation minière représente la source de revenus la plus lucrative pour les enfants de la région. Le soir venu, chacun d’entre eux rentre à la maison avec un pactole variant entre 0,86 et 2,50 dollars US.
Toutes les personnes à qui IMPACT a parlé savent pourtant que le travail des enfants est interdit par la loi congolaise et néfaste pour la santé, la sécurité et le développement. Les mères d’enfants qui travaillent disent cependant qu’elles ne voient pas d’autres issues pour s’en sortir.
Les enfants contournent l’interdiction de travailler en se déplaçant d’un site minier à l’autre, en adaptant leurs horaires de travail et en acceptant de payer des « droits d’accès » informels à des agents de sécurité ou du gouvernement.
IMPACT estime que la solution ne peut se cantonner au simple fait d’interdire les enfants dans les mines. Si les enfants extraient du cobalt par désespoir et par faim – et que leur famille les y encourage – le besoin de travailler ne disparaîtra pas. Clôturer des zones minières ne fait que les refouler vers d’autres sites qui sont parfois plus dangereux ou exploités par des acteurs sans scrupules. S’ils sont bannis des mines, les enfants risquent de se tourner vers l’agriculture, les corvées domestiques, les marchés de producteurs ou même les travaux en tout genre au village, tous comportant des risques qui leur sont propres.
Le rapport recommande de s’attaquer aux causes profondes du travail des enfants en augmentant le revenu du principal soutien de famille, c’est-à-dire celui des femmes. Dans ce cadre, les exploitantes minières artisanales du secteur du cobalt ont besoin de compétences et d’outils pour assumer des tâches plus lucratives à l’intérieur des mines ; d’aide pour négocier des prix justes, appliquer des mesures de santé et sécurité, et créer un groupe d’épargne et de crédit ; d’un poids décisionnel au sein de leur foyer, leur mine et leur communauté ; et d’un accès à des groupes de femmes comme des coopératives et des associations d’exploitantes minières.
Source : Agence Ecofin