En février dernier, l’AFC a conclu un accord de partenariat avec le fonds nigérian de développement des minéraux solides (SMDF). L’institution financière panafricaine veut à travers ce partenariat apporter son soutien financier et technique pour aider le pays à accélérer les projets miniers d’échelle commerciale pilotés par le secteur privé.
Malgré le succès rencontré par le Nigeria avec la mise en service fin 2021 de sa première mine d’or industrielle (Segilola), déjà avec l’appui de l’AFC, les objectifs que le régime Buhari s’était fixé pour le secteur minier n’ont globalement pas été atteints. Ce sera donc au gouvernement du nouveau président Bola Tinubu de s’atteler à cette tâche ardue qui est de concrétiser le potentiel de ce secteur qui a beaucoup à apporter à l’économie, mais qui est encore plombé par plusieurs maux.
Les projets de la présidence Buhari dans le secteur minier ne se sont pas concrétisés.
Les données officielles existantes sur le secteur minier nigérian indiquent que du pays héberge 44 minéraux solides, dont l’or, le minerai de fer, le charbon, l’étain, le zinc, le nickel, répartis sur plus de 500 sites répertoriés. Certains de ces minéraux existent en abondance dans le sous-sol. C’est le cas par exemple du minerai de fer, dont les réserves du pays s’élèveraient à 2 milliards de tonnes, selon plusieurs estimations. En outre, les ressources de charbon sont estimées à plusieurs milliards de tonnes selon plusieurs évaluations concordantes, alors que des matières premières comme l’or, l’étain seraient également présentes en quantités importantes.
Malgré ce potentiel, le secteur des Mines et Carrières n’a représenté qu’une création de richesse de 686,64 milliards de nairas (1,65 milliard $) en 2020, soit 0,45 % du produit intérieur brut, contre 0,26 % en 2019, d’après les données de l’ITIE. Et selon l’organisation, cette contribution est principalement portée par les carrières, les mines étant toujours à la traine. Cela peut s’expliquer par le fait que le potentiel minier est encore largement inexploité, les matières premières minières sont extraites à petite échelle et artisanalement. La première mine industrielle d’or du pays développée par la compagnie Thor Explorations, n’est par exemple entrée en production que très récemment, en 2021.
Des progrès notables, mais un bilan globalement mitigé
Il y a quelques années, le gouvernement nigérian déclarait vouloir augmenter l’apport du secteur minier au PIB, le faisant passer de moins de 0,3% à 3% à l’horizon 2025. Pour réussir ce pari, sept minéraux ont été déclarés « stratégiques », y compris l’or, le plomb, le zinc, le calcaire et le charbon. L’Etat comptait alors miser sur une réglementation minière avantageuse et compétitive pour développer une industrie minière solide, alors que la plupart des minéraux cités étaient encore exploités de manière artisanale. Quelques mois après cette annonce, le gouvernement a commencé la révision de sa charte minière, en vigueur depuis 2007. L’idée derrière ce projet de révision était de « mettre la législation en conformité avec les meilleures pratiques mondiales, de limiter le rôle du gouvernement à celui de la réglementation et de créer un espace permettant au secteur privé de maintenir une présence plus étendue dans le secteur ».
Les deux principales compagnies minières alors présentes dans le secteur étaient Kogi Iron, qui développe le projet de minerai de fer Agbaja, et Thor Explorations active sur le projet aurifère Segilola.
Les deux principales compagnies minières alors présentes dans le secteur étaient Kogi Iron, qui développe le projet de minerai de fer Agbaja, et Thor Explorations active sur le projet aurifère Segilola
Le projet d’Agbaja est encore à l’étape d’exploration, Kogi Iron ayant déclaré en mars 2022 préparer une étude de faisabilité définitive pour l’actif. Cette étude permettra d’optimiser les estimations d’une étude exploratoire publiée en décembre 2021 et indiquant que le projet peut livrer, grâce à un investissement de plus de 500 millions $, 1,7 million de tonnes de minerai par an à une teneur moyenne en fer de 46,7 % sur une durée de vie initiale de 25 ans.
Kogi Iron va devoir investir 500 millions $ pour exploiter la mine d’Agbaja.
Kogi Iron, qui veut y associer une aciérie, prévoit de produire 500 000 tonnes de billettes d’acier par an pour un total de 12,32 millions de tonnes sur les 25 ans.
Quant à la mine Segilola, elle est entrée en production commerciale en octobre 2021, après avoir livré ses premiers lingots d’or en juillet de la même année. Située dans l’Etat d’Osun, au sud-ouest de l’Etat fédéral, et détenue à 100 % par Thor, Segilola a livré 98 006 onces en 2022, pour sa première année d’exploitation complète. Pour 2023, Thor Explorations s’attend à y produire entre 85 000 et 95 000 onces.
Segilola a livré 98 006 onces en 2022, pour sa première année d’exploitation complète.
Au-delà de ces deux projets, l’Etat a essayé de nouer différents partenariats. En janvier 2022, le ministre des Mines et du Développement de l’Acier a indiqué que les compagnies minières Barrick Gold et Rio Tinto « étudient la possibilité de venir examiner les opportunités au Nigeria », respectivement dans le secteur de l’or et du fer. En avril 2022, le pays a communiqué sur des discussions pour une potentielle coopération sur le secteur minier avec la Belgique. Toujours en 2022, le Nigeria a annoncé avoir obtenu une promesse d’investissement de 2 milliards de dollars de la part des Emirats arabes unis, pour valoriser ses ressources minérales. Aucune suite n’a néanmoins été donnée pour chacun de ces trois dossiers.
La route vers l’industrialisation du secteur minier
Selon les données du SMDF, les 44 minéraux répertoriés au Nigeria et commercialement viables auraient une valeur estimée à 700 milliards de dollars.
Selon les données du SMDF, les 44 minéraux répertoriés au Nigeria et commercialement viables auraient une valeur estimée à 700 milliards de dollars.
Les principaux problèmes qui empêcheraient le pays de tirer profit de ces ressources seraient selon le Fonds, les injections limitées de capitaux, le manque d’outils adéquats de collecte de données géo-scientifiques, ou encore l’exploitation minière illégale généralisée. Aussi, apprend-on d’une note de fDi Intelligence, les rapports faisant état de banditisme et d’insurrections dans plusieurs régions minières, notamment dans les Etats de Zamfara et de Kaduna, ont également découragé les investisseurs étrangers. En outre, la faible qualité des infrastructures est aussi vue comme une problématique majeure. « Le réseau national d’infrastructures est actuellement mal équipé pour soutenir les grandes opérations minières industrielles qui seraient nécessaires […] », indique Alexandre Raymakers, analyste au cabinet de conseil Verisk Maplecroft.
Pour réussir à développer une industrie minière, les défis à relever par le pays sont connus et il faudra davantage d’efforts pour surmonter les obstacles. S’il ne peut résoudre tous ces problèmes du jour au lendemain, le Nigeria peut continuer de travailler pour multiplier les réussites comme celle de Thor Explorations à Segilola. « Une exploration cohérente et davantage d’histoires à succès ne pourront qu’entraîner une nouvelle croissance du secteur », déclare à fDi le PDG de la compagnie, Segun Lawson.
Il sera donc intéressant de voir quelle stratégie le nouveau gouvernement nigérian adoptera concernant le secteur minier. Pour le moment, on en sait peu sur la place qu’occupe le secteur dans les plans du président élu Bola Tinubu. Dans l’une des rares mentions des Mines qu’il a faites avant les élections, il promettait de « créer des emplois pour les jeunes, depuis les gisements d’or de Zamfara et d’Osun jusqu’aux vastes terres agricoles du pays ». Il a également indiqué que l’exploitation minière peut devenir un élément essentiel du développement industriel promis dans son manifeste de campagne intitulé « Renewed Hope ». Par ailleurs, il a aussi promis de mettre fin aux activités illégales d’exploitation aurifère et « réguler le secteur de sorte à maintenir la protection de l’environnement et permettre aux artisans locaux de gagner plus de revenus en transformant l’or brut en bijoux finis ».
Louis-Nino Kansoun
Source : Agence Ecofin