Quatre jours avant la distribution des factures, le gouvernement camerounais a suspendu la décision de GDC d’augmenter les prix du gaz industriel. L’entreprise a toutefois rejeté cette décision, affirmant que les dispositions du code pétrolier mis en avant par le gouvernement ne lui étaient pas opposables.
Le 17 juillet 2023, la société Gaz du Cameroun (GDC), qui fournit du gaz naturel à une trentaine d’entreprises industrielles dans la ville de Douala, a fait tenir à ses clients leurs factures du mois de juin 2023. Celles-ci révèlent une hausse des tarifs de 20% du gaz consommé par ces unités industrielles, conformément à la décision prise par cette filiale du britannique Victoria & Gas (VOG), de revoir sa tarification à la hausse, à compter du 1er juin 2023, en raison de l’explosion de ses propres coûts de production.
« Nous comprenons que vous puissiez avoir des inquiétudes concernant l’ajustement des prix. Par conséquent, nous vous invitons à adresser une correspondance à GDC au plus tard le 21 juillet 2023, en indiquant vos jours de disponibilité et les horaires proposés pour un rendez-vous, si vous avez des questions concernant la facture en question. Comme mentionné précédemment, l’ajustement des prix a été une décision difficile à prendre, et nous sommes conscients que ce changement peut affecter certains de nos précieux clients », écrit Éric Friend, le Managing Director de GDC, dans la lettre qui accompagne les factures envoyées aux clients de son entreprise.
En adressant à ses clients de la zone industrielle de Douala-Bassa des factures intégrant une revalorisation des prix de 20%, GDC se met ainsi dans une position de défiance vis-à-vis du gouvernement camerounais. En effet, le 13 juillet 2023, c’est-à-dire quatre jours seulement avant la distribution des factures sus-mentionnées, le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a, au sortir d’une réunion de concertation entre le gouvernement, les clients de GDC et l’entreprise gazière elle-même, suspendu la décision de la filiale de VOG d’augmenter les prix du gaz industriel. Motif : non-respect du dispositif règlementaire en vigueur en matière d’augmentation des prix du gaz naturel sur le marché domestique.
Farouchement opposé à cette augmentation des prix depuis l’annonce de la décision prise par GDC le 15 mai 2023, le ministre Mbarga Atangana, dans au moins deux lettres auxquelles Investir au Cameroun a pu avoir accès, a dans un premier temps fait savoir aux responsables de GDC que conformément au Code pétrolier de 2019 et son décret d’application du 4 mai 2023, « le prix du gaz naturel commercialisé sur le marché domestique est soumis à la procédure d’homologation préalable ». Cette procédure, qui ne s’accommode pas d’augmentations unilatérales, comme celle effectuée par GDC, impose une analyse préalable du projet d’augmentation des prix par le ministère du Commerce, qui peut par la suite l’approuver, l’ajuster ou simplement le rejeter.
Bras de fer
Pour défendre leur position au cours de la réunion de concertation du 13 juillet 2023 à Yaoundé, apprend-on de sources autorisées, les responsables de Gaz du Cameroun ont fait savoir au gouvernement que les dispositions du Code pétrolier de 2019 et de son décret d’application de 2023 ne leur étaient pas opposables. Et qu’ils ne sont liés qu’aux dispositions de la convention d’investissement signée en 2009 avec l’État du Cameroun.
Face à cette manière de rejeter l’obligation d’homologation préalable des prix que leur imposait alors le gouvernement en invoquant le Code pétrolier de 2019, le ministre du Commerce a brandi à l’entreprise gazière une disposition de la convention d’investissement excipée par GDC. Celle-ci lui impose également de négocier préalablement avec l’État, notamment la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et le ministère des Mines, avant toute augmentation des prix sur le marché domestique.
C’est fort de cette disposition que le ministre Mbarga Atangana a suspendu la décision de GDC de revaloriser ses tarifs aux industriels à compter du 1er juin 2023. Et a invité cette entreprise à se conformer à la règlementation en vigueur dans le pays. Soit en se conformant aux dispositions du Code pétrolier de 2019, qui impose la procédure d’homologation préalable des prix par le ministère du Commerce avant toute augmentation ; soit en respectant la convention d’investissement signée avec l’État en 2009, qui préconise une négociation préalable entre l’État et le producteur du gaz, avant toute revalorisation des prix. Mais la filiale camerounaise de VOG n’a pas cru devoir retranscrire cette décision gouvernementale dans les factures du mois de juin 2023, durcissant ainsi son bras de fer avec l’État et ses clients sur ce dossier, indique Investir au Cameroun.
Brice R. Mbodiam
Source : Agence Ecofin