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Pendant des années, les raffineries d’or se sont abritées derrière le secret des affaires pour ne pas dévoiler les noms des mines où elles s’approvisionnent. Ce manque de transparence maintient l’opacité autour des problèmes environnementaux et de droits humains posés par l’exploitation aurifère.

Entre 2015 et 2023, une vingtaine de raffineries situées en Afrique du Sud, au Canada, en Suisse ou en Chine entretiennent ou ont entretenu 142 relations d’affaires avec 125 mines d’or industrielles en Afrique. C’est ce que révèle un nouveau rapport publié le 30 mars par la fondation SWISSAID, précisant que plus de 450 tonnes d’une valeur supérieure à 23 milliards de francs suisses (plus de 25 milliards de dollars) ont été traitées en 2020 via ces partenariats.

À en croire le document parvenu à notre rédaction, l’or industriel africain est essentiellement raffiné en Suisse, en Afrique du Sud et, dans une moindre mesure, en Inde. Quatre raffineries basées dans ces pays représentent en effet 96 des 142 relations d’affaires identifiées. Il s’agit de la Rand Refinery détenue par les grandes compagnies aurifères d’Afrique du Sud, de Metalor (Suisse) et les deux raffineries, suisse et indienne, du groupe MKS Pamp (Suisse). On retrouve aussi quelques raffineries émiraties et chinoises impliquées, ainsi que la Fidelity Gold Refinery du Zimbabwe.

Une culture du secret inutile

Fruit d’une enquête lancée en 2019, ce document montre surtout que la culture du secret entretenue depuis des années par les raffineries sur leurs relations d’affaires avec les compagnies minières « n’a pas lieu d’être », selon Yvan Schulz, coauteur du rapport. Présenté comme une contrainte des fournisseurs ou un moyen de faire face à la concurrence, cet argument du secret des affaires est surtout utilisé par les raffineries pour se tenir à l’écart des problèmes des mines où elles s’approvisionnent : violations de droits humains, dégradations de l’environnement, etc.

Ce sont d’ailleurs des problèmes que SWISSAID a pu recenser sur la majorité des mines concernées par ces relations d’affaires identifiées. C’est pourquoi la fondation recommande des mesures urgentes en faveur de la transparence afin d’inciter les différents acteurs à prendre les mesures nécessaires pour résoudre ces problèmes.

Faire régner la transparence

SWISSAID appelle notamment les raffineries à divulguer annuellement les noms de toutes les mines auprès desquelles elles s’approvisionnent et les quantités d’or obtenues. Les compagnies doivent également respecter le même devoir de divulgation à propos des raffineries vers lesquelles elles exportent leur production et le World Gold Council doit en faire une exigence pour ses compagnies membres.

La London Bullion Market Association (dont font partie la plupart des raffineries citées dans le rapport) et l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) ont également un rôle à jouer en faveur de la divulgation des relations d’affaires entre les mines d’or et les raffineries. Dans leurs différentes normes, ces deux organisations doivent en effet transformer les recommandations ci-dessus adressées aux compagnies et raffineries en obligations pour leurs membres. Les pays qui abritent ces raffineries sont aussi concernés, à l’instar de la Suisse dont le Parlement doit débattre cette année d’une loi sur le contrôle des métaux précieux.

« Cette loi doit être alignée sur le guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaines d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque. Concrètement, cela signifie que les raffineries présentes en Suisse doivent être soumises à un devoir de diligence obligatoire en termes de respect des droits humains et de l’environnement », réclame Marc Ummel, coauteur du rapport.

Emiliano Tossou

Source : Agence Ecofin

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