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Récemment, suite à l’état de catastrophe décrété suite à la crise énergétique, le gouvernement sud-africain a décidé de rembourser une partie de la dette d’Eskom à hauteur de 14 milliards $, ce qui entrainera un creusement du déficit budgétaire du pays.

En Afrique du Sud, la crise de l’électricité qui dure depuis plus d’une décennie et qui s’est accentuée récemment est la conséquence directe des défaillances d’Eskom, la compagnie publique de l’électricité.

Le vieillissement, les pannes constantes et le besoin d’entretien des centrales au charbon de l’opérateur public seraient en effet à l’origine de cette crise qui paralyse l’économie du pays depuis plus de 14 ans, selon l’organisation African Energy Chamber (AEC).

Dans son rapport intitulé The State of South African Energy 2023, l’AEC indique que malgré la construction de deux centrales au charbon supplémentaires, les plus grandes du monde, la situation énergétique ne s’est toujours pas améliorée, au contraire.

Ces deux centrales ne fournissent qu’environ la moitié de leur capacité combinée de 9 600 MW en raison de pannes et de défauts techniques. En outre, les dépassements de coûts ont entrainé une dette de près de 23 milliards $ pour Eskom qui se retrouve ainsi dans une situation financière précaire.

Plus récemment, Eskom a vu près de 50 % de sa capacité de production nominale totale d’environ 46 000 MW s’arrêter pour cause de pannes ou de maintenance entre fin décembre 2022 et début janvier 2023. Au même moment, la demande sud-africaine en période de pointe se situe en moyenne entre 28 000 MW et 34 000 MW.

Ces défaillances techniques conjuguées à la mauvaise gestion de l’opérateur publique, qui représente environ 95 % de toute l’électricité produite dans le pays, ont conduit à un déséquilibre entre l’offre et la demande d’électricité et des délestages qui ont atteint des niveaux records !

Les délestages en Afrique du Sud, de plus en plus fréquents et pérennes  

Depuis 2007, l’Afrique du Sud a connu de nombreuses périodes de coupures de courant, appelées localement « délestage » par Eskom. Il s’agit de coupures d’électricité intentionnelles au cours desquelles la fourniture d’électricité est interrompue pendant des périodes qui ne se chevauchent pas dans différentes parties de la région de distribution.

Les délestages ont établi de nouveaux records au cours des trois dernières années, dépassant le record de l’année 2015, avec ses 852 heures de coupure d’électricité, soit durant approximativement 10 % de l’année.

En 2020 et 2021, le pays a en effet connu respectivement 859 heures et 1169 heures de coupure d’électricité annuelle totale. L’année 2022 a également connu un bond en avant en termes de durée totale des coupures d’électricité, le pays ayant dû endurer 205 jours de coupures tournantes.

Pour le pays le plus industrialisé d’Afrique, ces délestages ont évidemment des conséquences très graves, sur le plan économique notamment.

Impacts de la crise énergétique sur l’économie sud-africaine

Selon Lungile Mashele, spécialiste du secteur de l’énergie et des infrastructures, les coupures d’électricité auraient réduit la taille potentielle de l’économie sud-africaine d’environ 20 % depuis leur début. Allant dans le même sens, des rapports ont estimé que les coûts associés aux délestages ont entrainé une réduction annuelle du PIB de 1 à 1,3 % depuis 2007. L’impact du délestage est si important que des économistes ont estimé les pertes entre 85 et 230 millions de dollars par jour pour le pays.

Le Fonds monétaire international quant à lui prévoit un creusement du déficit budgétaire sud-africain à 6,5 % du PIB au cours de l’exercice 2023/24. Selon le fonds, cela s’explique principalement par les dépenses liées à la crise énergétique que traverse le pays, notamment le début de remboursement de la dette d’Eskom (à hauteur de 14 milliards $).

Outre cet impact sur l’économie, les délestages, depuis leur mise en œuvre en 2007, ont affecté aussi bien les entreprises que la population à travers l’augmentation du tarif moyen de l’électricité. Ce dernier a en effet connu une croissance de 460 % entre 2007 et 2020. C’est un coup supplémentaire porté aux entreprises nationales, en plus des pertes de revenus. Le consommateur domestique ordinaire doit également supporter ce fardeau.

Le rapport de l’AEC indique également que les coupures de courant auraient eu un impact négatif sur la vie rurale et urbaine, en Afrique du Sud, où le taux de criminalité semble augmenter pendant les périodes de délestage. L’année 2022, par exemple, aurait vu de nombreux incidents criminels être signalés pendant les longues périodes de délestage.

Face à cette situation chaotique, les autorités sud-africaines ont adopté plusieurs mesures pour réduire progressivement la dépendance du pays vis-à-vis du charbon en promouvant des sources d’énergie plus propres et plus fiables. Cela, à long terme, devrait résoudre le problème énergétique en même temps que décarboner l’économie du pays.

La production d’électricité à long terme en Afrique du Sud devrait progressivement passer au gaz naturel et aux énergies renouvelables.

Avec des programmes tels que le Renewable Energy Independent Power Producer Procurement Program (REIPPPP) et le Just Energy Transition Invest Plan soutenu par les pays riches, les énergies renouvelables continuent de progresser en Afrique du Sud.

En effet, le REIPPPP en six cycles a permis d’acquérir une capacité de près de 9,7 GW auprès de producteurs d’énergie indépendants (IPP). De son côté, le plan de transition énergétique équitable vise à obtenir des financements publics, privés, nationaux et internationaux pour réduire la dépendance à l’égard du charbon et des combustibles fossiles et renforcer la sécurité énergétique.

Ces différentes initiatives devraient renforcer considérablement le développement des énergies renouvelables dans le pays. À noter que le gaz naturel, sur lequel les autorités misent désormais, devrait prendre de l’ampleur dans le mix énergétique dans les années à venir.

Ainsi, selon le rapport l’AEC, en 2031 les parts du gaz naturel, de l’éolien terrestre et du solaire photovoltaïque devraient être respectivement de 5 %, 17 % et 7 %, soit un total d’environ 30 % de l’énergie totale produite. À plus long terme, ce rapport entre le gaz naturel, l’éolien terrestre et le solaire photovoltaïque devrait augmenter et passer à 15 %, 30 % et 20 % respectivement.

Dans cette perspective, le charbon resterait toujours en jeu et contribuerait à un quart de la capacité totale. Preuve que même dans les scénarios les plus ambitieux, le plus grand pollueur d’Afrique est loin de sortir de sa dépendance vis-à-vis de cette énergie fossile.

Abdoullah Diop 

Source : Agence Ecofin

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