Outre le marché du GNL, la Mauritanie, grâce à ses importantes ressources en termes d’énergies renouvelables, se positionne davantage comme un futur acteur majeur du marché de l’hydrogène, le « carburant du futur ».
Dans une étude intitulée « Africa’s extraordinary green hydrogen potential How » publiée en décembre 2022, la banque européenne de développement, entre autres commanditaires de l’étude, considère la Mauritanie comme l’un des principaux futurs hubs d’hydrogène vert du continent africain.
L’étude se base notamment sur les immenses possibilités en termes de production d’énergie solaire et éolienne que possède la Mauritanie. Un document publié par le ministère mauritanien du Pétrole indique que la capacité de production d’énergie solaire dans le pays varie entre 2000 et 2300 kWh par mètre carré par an, et que la force du vent est estimée à environ 9 mètres par seconde, tout au long de l’année, en particulier dans les zones côtières.
Fort de ce potentiel renouvelable, le gouvernement du pays, à travers le ministère du Pétrole, des Mines et de l’Energie, a signé plusieurs accords pour développer jusqu’à 50 GW de capacités d’électrolyse.
Projet AMAN du géant américain CWP Global
Le 28 mai 2021 marque le premier contact officiel entre le gouvernement mauritanien et le développeur d’énergie renouvelable CWP Global. Les deux parties ont signé à cette date un protocole d’accord pour le développement d’un projet d’hydrogène vert « Power-to-X » de 30 GW. Le projet baptisé « AMAN », engagera 40 milliards $ d’investissements selon CWP qui l’annonçait à l’époque comme le futur plus grand projet d’énergie renouvelable au monde.
Les deux parties ont confirmé par la suite, la mise en œuvre de la deuxième phase des travaux de développement du projet qui assurera la production annuelle de 10 millions de tonnes d’hydrogène vert. Ils confirment également l’achèvement de l’avant-projet détaillé d’ici à décembre 2024, la poursuite des accords de financement, le début de la construction en 2025, ainsi que le début de la production avant 2030.
En mai 2022, presque une année après la signature du protocole d’accord, la Mauritanie et CWP signent cette fois un accord-cadre pour AMAN. On note que le projet comprendra une capacité éolienne de 18 GW et une capacité solaire de 12 GW.
Projet Nour de Chariot, rejoint plus tard par Total Eren
En septembre 2021, le gouvernement mauritanien s’associe cette fois à la société Chariot, en signant un protocole d’accord pour le développement de son potentiel d’hydrogène vert, à travers le « Projet Nour », d’une puissance maximale de 10 GW et situé dans le nord du pays.
À la suite de l’accord sur le projet Nour, Chariot a signé en avril 2022 un protocole d’accord avec le port de Rotterdam. Un partenariat qui constitue une première étape dans la mise en place de chaînes d’approvisionnement permettant la vente d’hydrogène vert et de ses produits dérivés, notamment l’ammoniac en Europe. À noter que Chariot s’est entre temps associé à Total Eren pour codévelopper le projet.
Le gouvernement mauritanien signe un nouvel accord sur l’hydrogène vert, avec un projet de 38 milliards $
Le 8 mars dernier, la Mauritanie a renforcé davantage sa position dans le secteur de l’hydrogène vert en signant un accord avec Infinity Power Holding et Conjuncta GmbH pour développer une nouvelle usine qui devrait produire jusqu’à 8 millions de tonnes d’hydrogène vert par an
L’usine qui sera située au nord-est de Nouakchott, pourra atteindre une capacité d’électrolyse de 10 GW. La première phase de la centrale, d’une puissance de 400 MW, devrait être opérationnelle d’ici 2028. Le projet dans son ensemble est estimé à 38 milliards $.
Acier vert et autres partenariats dans le domaine de l’hydrogène
Dans le sillage des partenariats énergétiques de l’État mauritanien, la Société Nationale Industrielle et minière (SNIM) du pays a signé avec ArcelorMittal un protocole d’accord pour évaluer l’opportunité de développer conjointement une usine de granulation et une usine de production de minerai de fer préréduit (IRD).
Ce projet devrait tirer parti du potentiel de la Mauritanie en matière de production d’électricité renouvelable et d’hydrogène vert. L’IRD produit à l’aide d’hydrogène vert et le fer produit par la SNIM seront importants pour la transition de l’industrie sidérurgique vers le zéro net.
Retombées économiques et sociales pour la Mauritanie
Prenant en considération uniquement le projet de CWP et celui du consortium Infinity- Conjuncta, les investissements devraient atteindre les 78 milliards $. C’est environ 8 fois le PIB de la Mauritanie en 2021, qui s’élevait à environ 10 milliards $ selon la Banque mondiale.
Pour sa part, le projet AMAN de CWP pourrait, selon l’entreprise, accroître le PIB du pays de 40 à 50 % d’ici 2030, et de 50 à 60 % à partir de 2035, tout en stimulant l’emploi dans l’industrie de 23 % et en réduisant le chômage national total de près d’un tiers d’ici 2035.
AMAN fournira également de l’électricité bon marché ainsi que plus de 50 millions de m3 d’eau douce aux communautés locales et à l’agriculture, obtenue par dessalement de l’eau de mer. En outre, un projet pilote permettra de fournir 60 bus de transport à hydrogène à usage public.
Il va sans dire que ces investissements vont bousculer la situation économique du pays, qui se caractérise actuellement par une dépendance au secteur extractif, notamment minier. Ce dernier représentait environ 21,8 % du PIB, 28,7 % des recettes budgétaires, 72,8 % des exportations, mais seulement moins de 1 % de l’emploi, selon le rapport ITIE 2021.
Abdoullah Diop
Source : Agence Ecofin