Alors que les ventes des véhicules électriques ont ralenti au premier trimestre 2023, les pays africains producteurs de matières premières pourraient être obligés de revoir leurs ambitions à la baisse, en attendant des jours meilleurs.
Même si les experts ne savent pas encore s’il s’agit d’un coup de mou ponctuel ou des prémices d’un ralentissement durable, le récent essoufflement du rythme des ventes des véhicules électriques (VE) à l’échelle mondiale jette l’incertitude sur les projets liés aux minéraux stratégiques en Afrique et risque de perturber les plans des pays producteurs, selon un rapport publié le 29 juin par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels de plusieurs secteurs.
Intitulé « Ralentissement des ventes de VE, une incertitude qui pèse sur les stratégies minières en Afrique », le rapport souligne qu’une récente alerte lancée par la compagnie minière australienne Syrah Resources est passé inaperçue. Dans une note publiée début mai dernier, cette compagnie qui exploite la mine de graphite Balama au Mozambique, le plus grand gisement de ce minerai en Afrique, a fait état d’un ralentissement du rythme de croissance des ventes de véhicules électriques qui a impacté négativement ses résultats au premier trimestre 2023. Elle a également indiqué que la hausse de 32% en glissement annuel des ventes de VE observée sur les trois premiers mois de l’année en cours ne doit pas masquer le ralentissement observé par rapport au dernier trimestre 2022. Le ralentissement des ventes des véhicules les plus sobres en émissions de gaz à effet de serre ne fait pas référence à une baisse des volumes écoulés, mais plutôt à un rythme de croissance des ventes plus faible que celui prévu par les spécialistes du marché.
Le rapport rédigé par notre confrère Louis-Nino Kansoun précise que d’autres organismes avaient déjà évoqué un ralentissement potentiel des ventes des véhicules électriques avant Syrah Resources. Un sondage publié en mars 2023 par ABB Robotics montre que 59% des personnes interrogées pensent que les objectifs d’adoption des VE ne sont pas réalisables dans les délais convenus (2030-2040), alors que 18% estiment que les objectifs actuels ne seront jamais atteints.
Un autre sondage publié en décembre 2022 par le cabinet de conseil KPMG a fait ressortir que les acteurs de l’industrie automobile sont eux-mêmes de plus en plus inquiets quant au rythme d’adoption des véhicules électriques. 76% des dirigeants du secteur automobile sondés « craignent que l’inflation et les taux d’intérêt élevés n’aient un impact négatif sur leurs activités en 2023 ». Aux Etats-Unis, ce taux grimpe à 84%.
Le rapport indique que l’optimisme, qui prévalait dans le secteur automobile il y a quelques années concernant le boom des véhicules électriques, en train de céder la place au réalisme.
Réaménager les calendriers et patienter…
Entre la diminution des subventions à l’achat des voitures électriques, les préoccupations de plus en plus vives quant à la disponibilité des matières premières pour les batteries, le prix élevé des VE et le ralentissement de l’économie mondiale, le marché est en train de refroidir. Cela intervient alors que plusieurs gouvernements, compagnies minières et autres investisseurs mettent en œuvre actuellement des stratégies pour augmenter l’extraction et la vente des minéraux stratégiques utilisés dans la fabrication des batteries de ces véhicules à l’instar du cobalt, du lithium, du nickel et du graphite.
En Afrique, plusieurs pays tentent de se positionner sur ce marché en mettant en œuvre des plans pour augmenter la production (pour ceux qui produisent déjà) ou en entamant la production. D’autres pays comme la RD Congo et la Zambie se montrent plus ambitieux, en essayant de développer un projet de production de batteries électriques pour monter dans la chaîne de valeur. Il n’est pas difficile dès lors d’imaginer les conséquences que pourrait avoir un ralentissement durable des ventes des véhicules électriques sur les divers plans en cours d’exécution sur le continent.
Les compagnies et autres parties impliquées dans l’exploitation des minéraux, qui consentent des investissements de plusieurs centaines de millions de dollars, s’attendent à vendre leur produit à un certain prix pour être rentables. Mais, si la demande de ces minéraux par le secteur automobile baisse ou n’atteint pas les niveaux prévus, il y a un risque de surplus de l’offre disponible, et cela se traduirait par une chute des prix. Le cas de Syrah Resources offre un bel exemple de ce qui pourrait se passer à une échelle plus large. Pour s’adapter au ralentissement de ses ventes de graphite au premier trimestre 2023, cette junior minière a indiqué qu’elle compte « modérer la production de la mine de Balama », jusqu’à ce que des conditions plus favorables justifient une augmentation de la capacité.
Le rapport indique par ailleurs qu’un ralentissement durable ou même ponctuel obligera les producteurs de matières premières à réaménager leurs calendriers et à patienter un peu plus pour profiter des opportunités.
Ainsi, les pays africains producteurs des minéraux stratégiques sont appelés à prendre en considération le risque d’un tassement des ventes des véhicules électriques dans leurs plans sur les projets en cours pour s’adapter à la nouvelle donne.
Source : Agence Ecofin