L’exploitation de l’or domine le secteur minier burkinabé. Si ce dernier représente 16 % du PIB et 14,3 % des recettes de l’État selon les dernières données disponibles, sa contribution peut être plus importante, sans la contrebande qui touche le secteur aurifère.
Au Burkina Faso, la contrebande et la fraude à grande échelle de l’or ont causé à l’État un préjudice financier évalué à plusieurs « centaines de milliards de F CFA » sur les deux dernières années. C’est ce que révèle un rapport présenté mercredi 24 mai en Conseil des ministres par le ministre des Mines et des Carrières sur l’état de la fraude en matière de commercialisation d’or et d’autres substances précieuses.
Cette fraude touche principalement le secteur artisanal et consiste notamment dans la possession et le transport sans agrément, ni aucune autre autorisation valide, du métal jaune. D’importantes quantités d’or sont ainsi exportées illégalement chaque année, en n’étant pas déclarées ni au Burkina Faso ni dans les pays de destination. Toute cette organisation prospère grâce à la complicité des comptoirs privés d’achat et de vente d’or, mais aussi des titulaires des permis miniers pour l’exploitation artisanale et semi-mécanisée du métal jaune.
Notons que les efforts des autorités locales ne donnent pas encore des résultats à la hauteur du préjudice subi, puisque seulement un montant de 1,58 milliard F CFA a pu être récupéré grâce aux amendes générées par la saisie de 35,347 kg d’or.
Une source de financement du terrorisme
Au-delà de l’impact financier direct que le négoce illégal d’or a sur le Burkina Faso, ce phénomène constitue également une menace pour la sécurité du pays, car il s’agit d’une source de financement des groupes terroristes qui contrôlent une partie du territoire national. Ces derniers exploitent en effet directement ou indirectement des sites miniers artisanaux, exportant ensuite la production vers des pays voisins.
Pour y mettre fin, un groupe de réflexion mis en place par le gouvernement recommande notamment le déploiement de forces de sécurité afin de protéger et surveiller les sites artisanaux et semi-mécanisés d’exploitation d’or, le renforcement de la coopération avec les pays voisins, qui servent de pays de destination ou de transit à l’or sorti illicitement du Burkina Faso, afin d’appréhender les coupables. Les autorités sont également invitées à renforcer la sensibilisation des acteurs impliqués sur la réglementation en vigueur concernant le négoce de l’or et des autres substances précieuses.
Un point omis cependant par le rapport, mais que plusieurs spécialistes jugent nécessaire dans la lutte contre le négoce illégal d’or, est la formalisation du secteur artisanal. Si un cadre légal existe déjà dans le pays, ce dernier doit être renforcé, notamment à travers l’octroi de permis miniers aux artisans qui demeurent dans l’informel et la multiplication des comptoirs publics et privés au plus près des producteurs, avec des prix d’achat au plus près de ceux du marché international, afin d’inciter les artisans à utiliser les circuits officiels.
L’installation d’une raffinerie d’or, mentionnée dans les recommandations et qui figure d’ailleurs dans la stratégie du gouvernement pour le secteur minier, peut également contribuer à réduire la fraude du précieux métal. Ces mesures pourraient néanmoins demeurer inefficaces sans une véritable politique de lutte contre la corruption, permettant de traquer et de sanctionner tous les acteurs impliqués dans la contrebande d’or.
Pour rappel, le rapport ITIE 2020 indique que le secteur minier burkinabé, dominé par l’exploitation de l’or avec 96 % des exportations minières (3,56 milliards $ sur 3,68 milliards $), représente 16,12 % du PIB et 14,30 % des exportations. Une contribution à l’économie qui serait plus importante sans les milliards perdus à cause du négoce illégal.
Emiliano Tossou
Source : Agence Ecofin