Alors que les pays développés comme le Canada et l’Australie imposent des restrictions sur les investissements chinois dans le domaine de l’exploitation des minerais critiques, Pékin jette son dévolu sur l’Afrique et l’Amérique latine pour tenter d’asseoir sa domination sur le marché.
Confrontée à des politiques d’investissement étranger plus restrictives sur les marchés développés, la Chine se tourne de plus en plus vers l’Afrique et l’Amérique latine pour sécuriser son accès à des minerais critiques de première importance tels que le lithium et le cobalt, selon un rapport publié le 24 août dernier par S&P Global.
Intitulé « China’s global reach grows behind critical minerals », le rapport révèle que l’empire du Milieu cherche depuis plusieurs années à dominer la chaîne d’approvisionnement mondiale en lithium après avoir réussi à concentrer 60% de la production et 91% de la capacité de raffinage des terres rares. À preuve : les entreprises chinoises ont accaparé 50% des acquisitions d’actifs dans le secteur du lithium réalisées à l’échelle planétaire entre mars 2018 et décembre 2021.
A travers ces acquisitions, les producteurs chinois de lithium tels que Ganfeng Lithium et Tianqi Lithium Corporation tentent de s’assurer des matières premières en amont pour l’expansion de leur activité principale. Des groupes miniers historiquement spécialisés dans la production d’autres métaux comme Zijin Mining Group se lancent, quant à eux, dans la course au lithium afin de diversifier leur exposition et de bénéficier du potentiel de croissance du minerai.
Outre le lithium, les entreprises chinoises réalisent également des investissements conséquents en amont et en aval de la chaîne de valeur du nickel et du cobalt.
Le rapport souligne d’autre part que l’appétit chinois grandissant pour les minerais critiques a conduit plusieurs pays développés à se protéger d’un contrôle quasi-total total du marché par le géant asiatique. Dans ce cadre, plusieurs pays producteurs de ces minerais ont pris des mesures pour tenter de restreindre les investissements chinois. Ainsi, Yuxiao Fund n’a pas obtenu le feu vert du Conseil australien d’examen des investissements étrangers (FIRB) pour augmenter sa participation dans la société minière spécialisée dans les terres rares Northern Minerals pour des « raisons d’intérêt national ». De son côté, la compagnie chinoise Tianqi Lithium a abandonné une offre de 136 millions de dollars australiens pour acquérir Essential Metals après le veto opposé par la majorité des actionnaires de la société australienne à la transaction.
Destinations alternatives
Les entreprises chinoises sont confrontées à des défis similaires au Canada non seulement pour les projets futurs, mais aussi pour les investissements existants. En octobre 2022, Ottawa a introduit de nouvelles règles régissant les investissements faits au Canada par des entreprises d’État étrangères dans les secteurs des minéraux critiques. La politique vise aussi les investisseurs privés qui sont étroitement liés à des gouvernements étrangers.
Aux termes de cette nouvelle politique, les demandes d’examen relatives aux acquisitions de contrôle d’une entreprise canadienne mettant en jeu des minéraux critiques par des entreprises d’État étrangères ne seront approuvées « qu’à titre exceptionnel ». Par ailleurs, la politique prévoit que la prise de participation par une entreprise d’État étrangère dans une entreprise canadienne exerçant ses activités dans un secteur de minéraux critiques ou une chaîne d’approvisionnement connexe sera automatiquement soumise à un examen approfondi pour des motifs de « sécurité nationale », ce qui peut conduire à des injonctions de cession de participations existantes.
Face à ces tours de vis réglementaires de plus en plus courants dans les pays développés, la Chine est en train de jeter son dévolu sur deux destinations alternatives. Il s’agit de l’Afrique et l’Amérique latine, où de nombreux pays disposent d’importantes réserves de minerais critiques. Ainsi, Ganfeng Lithium a étendu ces derniers mois sa présence au Mali, au Mexique et en Argentine.
Le constructeur automobile BYD négocie aussi l’acquisition de plusieurs mines de lithium en Afrique, au Chili et en Argentine, alors que Contemporary Amperex Technology Company Ltd (CATL) dirige un consortium qui investira 1,4 milliard de dollars en Bolivie pour construire des usines de production de lithium.
Au total, des sociétés d’Etat chinoises ou des compagnies privées originaires de l’empire du Milieu détiennent aujourd’hui des intérêts dans 11 gisements de lithium en Afrique et dans 18 gisements en Amérique latine, selon un bilan arrêté au 9 juin 2023 par S&P Global.
Le rapport souligne d’autre part que l’ambitieuse stratégie chinoise d’investissement à l’international dans le domaine des minerais critiques devrait augmenter le poids de Pékin sur les industries qui dépendent de ces minerais en tant qu’intrants durant les années à venir.
Source : Agence Ecofin