Réduite au rôle d’exportateur de minerais bruts, l’Afrique ne capterait que 55 milliards de dollars sur un marché global estimé à 8800 milliards d’ici 2025. Mais une stratégie axée sur l’encouragement de la production locale de batteries et de véhicules électriques pourrait lui permettre d’engranger beaucoup plus de valeur ajoutée.
L’Afrique pourrait renforcer son rôle dans la chaîne de valeur des batteries et des véhicules électriques en adoptant une stratégie axée sur l’encourageant la production locale et le recyclage de batteries, au lieu de continuer à se limiter à l’exportation des minerais bruts, a souligné la Banque africaine de développement (BAD) un rapport publié le 26 avril dernier.
Intitulé « Strengthening Africa’s role in the battery and electric vehicle value chain », le rapport précise que la production de minerais nécessaires à la transition énergétique tels que le graphite, le lithium, le nickel et le cobalt pourrait augmenter de près de 500 % d’ici 2050 pour répondre à la demande croissante de technologies énergétiques propres. Plus de 3 milliards de tonnes de minerais et de métaux stratégiques seront nécessaires pour déployer l’énergie éolienne, solaire et géothermique ainsi que le stockage de l’énergie dans le cadre des efforts visant à limiter le réchauffement de la planète à 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle.
La décarbonation de l’économie mondiale recèle d’énormes opportunités pour l’Afrique, qui détient des parts importantes des réserves mondiales de minerais essentielles à la fabrication des batteries et des véhicules électriques, comme le cobalt (52,4 %), la bauxite, l’aluminium (24,7 %), le graphite (21,2 %), le manganèse (46 %) et le vanadium (16 %), selon les données de l’Institut américain d’études géologiques (USGS).
De nombreux défis à surmonter
En ce qui concerne le cobalt en particulier, la RD Congo est bien placée pour occuper une position de leader dans l’industrie de la transition énergétique et pour en tirer des avantages économiques significatifs, car ce pays accapare 70 % de la production et plus de 51 % des réserves mondiales de cet or bleu (3,6 millions de tonnes métriques).
Le rapport indique cependant que l’Afrique reste jusqu’ici au plus bas niveau de la chaîne de valeur des batteries et des véhicules électriques, estimée à 8800 milliards de dollars d’ici 2025. Sur ce montant faramineux, le continent, dont le rôle se limite à l’exportation des minerais, ne devrait capter que 55 milliards de dollars d’ici 2025.
Pour engranger davantage de valeur ajoutée, les pays africains devraient nouer des alliances avec les principaux pays consommateurs de minerais nécessaires à la fabrication des batteries et des véhicules électriques comme la Chine, les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud et identifier des synergies avec les principaux acteurs du secteur tels que LG, Samsung et Tesla. L’objectif est de développer peu à peu une industrie locale, en commençant par les précurseurs de cathodes pour batteries avant de passer à la production de cellules à moyen terme.
La BAD souligne toutefois que les principaux défis à surmonter dans ce cadre sont notamment l’absence d’une stratégie cohérente pour tirer parti des opportunités offertes par la transition énergétique, le manque d’infrastructures ferroviaires et portuaires, l’accès insuffisant à des sources d’énergies fiables et le manque de compétences.
Capitaliser sur la Zlecaf
D’autres défis sont liés à l’insuffisance de la demande en véhicules électriques et le manque d’infrastructures sur le continent pour justifier l’implantation d’usines de batteries ou de production de moyens de transport à faible empreinte carbone. Mais des politiques fiscales qui encouragent l’utilisation des solutions de mobilité électrique, notamment les deux et les trois-roues ainsi que les bus électriques, pourraient faciliter la signature d’accords de coentreprises avec les principaux constructeurs internationaux. Cela est d’autant plus réalisable que les coûts de production sur le continent sont très bas par rapport à ceux des pays développés. Une étude réalisée par BloombergNEF a en effet montré que l’installation d’une usine de précurseurs de cathodes de 10 000 tonnes métriques en RD Congo coûte trois fois moins cher que l’implantation de la même usine aux États-Unis.
D’autre part, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) pourrait favoriser le développement d’une industrie de véhicules électriques en permettant une complémentarité entre les minerais produits des divers pays du continent, des économies d’échelle et des ventes transfrontalières en franchise de droits de douane.
La BAD recommande d’autre part aux pays du continent d’améliorer leur climat des affaires, d’accélérer les investissements dans les énergies renouvelables et d’établir des centres d’excellence spécialisés dans les batteries électriques afin de développer les compétences locales et d’accroître les capacités nationales en matière de recherche & développement et d’innovation.
Autres recommandations : la création d’une alliance africaine de batteries électriques pour promouvoir la fabrication et le recyclage, la création de sociétés d’acquisition à vocation spécifique (Special purpose acquisition corporation/SPAC) pour faciliter les coentreprises entre les multinationales et les entreprises locales et l’adoption de politiques intelligentes en matière de contenu local, afin de favoriser l’émergence d’entreprises nationales compétitives qui fourniraient des biens et des services aux acteurs internationaux de l’industrie des batteries et des véhicules électriques.
Source: Agence Ecofin