Le 22 juin 2023 dernier, le gouvernement australien a renoncé à appliquer un projet de loi qui assurait plus de transparence dans le secteur extractif, notamment africain, en exigeant que les multinationales incorporées en Australie publient sur une plateforme accessible à tous, leurs performances financières pays par pays.
“Dans les mois à venir, nous poursuivrons les discussions sur le niveau approprié de déclaration désagrégée. Cela s’appuiera sur les améliorations que nous avons déjà apportées pour se rapprocher davantage du régime de déclaration publique par pays de l’Union européenne“, a expliqué Andrew Leigh un haut responsable du ministère australien des finances en charge de la concurrence, selon des propos rapportés par les médias locaux.
Cette nouvelle perception du projet est un changement léger mais significatif par rapport au projet de loi initial. Selon cette dernière, la proposition avait pour but de compléter « le mix réglementaire plus large du gouvernement visant à améliorer les divulgations des entreprises » et reflète « l’évolution du sentiment public en faveur d’une plus grande transparence et responsabilité dans les activités des entreprises, en particulier des grandes entreprises. Cela inclut les investisseurs et les fournisseurs de capitaux.»
La mesure concerne les entreprises multinationales réalisant plus d’un milliard de dollars australiens (66,7 millions de dollars) par an, et les informations à publier concerne une quinzaine de détails clés sur leurs activités mondiales et leurs structures fiscales. La loi envisageait aussi d’aller plus loin que le cadre actuel de lutte contre l’Erosion de la base imposable (BEPS) promue par l’OCDE dont l’Australie est membre, et qui impose une publication anonyme des comptes à la seule attention des administrations fiscales où cette publication est exigée.
Si la loi n’est plus adoptée, ou si sa volonté initiale de transparence est édulcorée, cela privera la société civile mondiale et surtout africaine, d’une opportunité de mieux contrôler la gestion de son sous-sol. Si peu de gens le savent en Afrique, plusieurs projets sur les ressources extractives menés par des multinationales incorporées en Australie, auraient été concernées par cette obligation.
A titre d’exemple, Woodside Energy qui est le principal partenaire du projet d’exploitation pétro-gazier au Sénégal est basé en Australie, et la mesure aurait permis d’entamer ce projet avec une plus grande transparence.
Selon la base des données professionnelles de l’Agence Ecofin, des sociétés comme BHP Billiton, Rio Tinto, Newcrest Minning, Fortescue Metals, Resolute Minning, ou encore Perseus Mining, auraient été contraintes de communiquer des informations détaillées sur leurs opérations dans des pays, comme le Mali, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et plusieurs autres pays africains. Dommage…
Répartition par pays africain des projets miniers par des multinationales australiennes, sources Ecofin Pro
Selon un article du Financial Time, le report des autorités australiennes dans la mise en application de cette loi serait le fait de l’OCDE. Une information qui a été reprise par des acteurs du mouvement de la justice fiscale et sociale au niveau international. « Il est décevant de voir l’OCDE faire ces affirmations inexactes et persister à protéger son propre agenda au détriment de la transparence fiscale. C’est quelque chose que l’on pourrait attendre d’un politicien, pas d’une organisation internationale », a fait savoir Alex Cobham, le Directeur exécutif de Tax Justice Network, une des principales organisations de ce mouvement.
Ces affirmations ont été rejetées par Mathias Cormann, le Secrétaire Général de l’OCDE. « Des déclarations suggérant que l’OCDE a fait pression pour empêcher cette législation qui vise la limitation de l’évasion fiscale est fausse », a-t-il fait savoir. Mais il reconnait dans sa communication, que son institution a émis des réserves sur le projet de loi australien et que lui personnellement soutient ces réserves. Il dit par exemple qu’une mission chargée d’examiner la question a observé des limites techniques qui auraient empêché une meilleure collaboration de certains partenaires de l’Australie, dans la collaboration fiscale internationale.
Cette actualité vient montrer une fois de plus que le débat global sur la transparence est complexe. L’Afrique est toujours présentée comme le problème majeur dans ce sujet avec des positions au bas du classement de l’indice de transparence international, alors même que de nombreuses entreprises et institutions plus globales refusent d’effectuer des avancées qui seraient plus décisives.
Les gouvernements de la région sont souvent tenus pour responsables de ce qui est désigné comme étant la « malédiction des ressources minières » et l’attention des médias internationaux est peu portée sur les pressions que les gouvernants africains peuvent subir de la part de groupes puissants.
Source : Agence Ecofin