Le rapport souligne que l’essor de l’exploitation artisanale de l’or s’explique notamment par la crise économique qui sévit dans le pays, l’ouverture du secteur minier à « toutes les personnes compétentes » et la hausse des prix du métal jaune.
L’exploitation minière artisanale et à petite échelle (Artisanal small-scale mining/ASM) contribue à hauteur de 62% à la production d’or au Zimbabwe, selon un rapport publié le 8 juin par Megatrends Afrika, une plateforme de recherche lancée par la République fédérale d’Allemagne pour étudier les grandes tendances qui façonnent l’Afrique de demain.
Ce rapport précise que l’exploitation minière artisanale et à petite échelle est un secteur pourvoyeur d’emplois au Zimbabwe. Les données officielles montrent que plus de 500 000 petits exploitants miniers – principalement des orpailleurs – opèrent dans ce pays d’Afrique australe et font vivre environ trois millions de personnes à leur charge. De son côté, la Fédération des mineurs du Zimbabwe indique que les quelque 50 000 mineurs artisanaux enregistrés emploient en moyenne au moins 10 travailleurs chacun.
D’autres sources estiment cependant que le nombre de mineurs artisanaux a grimpé à environ 1,5 million ces dernières années, en raison notamment l’aggravation de la crise économique et de la hausse des cours du métal jaune.
Elaboré par Victor Muchineripi Gwande, un professeur d’histoire à l’Université de l’État libre (University of the Free State) en Afrique du Sud dont les travaux de recherche portent notamment sur l’histoire économique des pays d’Afrique australe, le rapport souligne que la propagation de l’exploitation minière artisanale s’explique notamment par la crise économique qui sévit au Zimbabwe depuis l’échec de la réforme agraire de l’ex-président Robert Mugabe et la décision du gouvernement d’ouvrir le secteur minier à « toutes les personnes compétentes ». Auparavant, l’exploitation minière était l’apanage des grandes sociétés minières internationales.
Connexions politiques
Le troisième facteur qui favorise l’essor de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle est la forte demande d’or dans un contexte du hausse des prix de ce métal sur le marché international.
Bien que l’activité soit souvent perçue comme étant des fouilles non coordonnées, opportunistes et précipitées, effectuées par des individus ayant peu de liens entre eux, le rapport précise qu’une hiérarchie a émergé au sein du secteur. Cette hiérarchie se compose d’un détenteur de titre, d’un commanditaire, d’un acheteur et de creuseurs.
Le détenteur d’un titre est essentiel pour donner un vernis de légalité à ce type d’exploitation minière alors que le commanditaire est une personne disposant de ressources importantes pour financer les activités des groupes de creuseurs.
Le commanditaire, qui possède ou loue le matériel nécessaire à l’extraction de l’or, est souvent un homme d’affaires local ayant des connexions avec des hommes politiques puissants, y compris des chefs traditionnels, des membres du Parlement ou encore des élus locaux.
Cet environnement opérationnel expose l’activité à plusieurs abus et l’empêche de contribuer plus efficacement à la croissance économique.
Théoriquement, la loi sur les mines permet à tous les Zimbabwéens de demander des permis miniers. Dans les faits, un nombre limité de personnes sont en mesure d’obtenir des licences d’exploitation minière, en raison des coûts élevés des permis de prospection et des frais nécessaires au paiement de consultants miniers et de géologues d’exploration. A cela s’ajoutent les obstacles bureaucratiques, étant donné que tout demandeur d’un permis minier et appelé à traiter avec de nombreuses institutions gouvernementales, telles que le ministère des Mines, la police, l’agence de gestion de l’environnement (EMA), l’autorité nationale de l’eau du Zimbabwe (ZINWA) et les autorités locales.
Alléger les procédures administratives
D’autre part, l’exploitation artisanale informelle de l’or est marquée par la violence perpétrée par des gangs armés qui opèrent souvent en toute impunité, en raison de leurs liens avec des politiciens qui les exploitent pour perpétrer des violences contre leurs adversaires. Ces pratiques clientélistes empêchent les jeunes de formaliser leurs activités minières artisanales.
Le rapport fait remarquer par ailleurs que l’exploitation artisanale et à petite échelle de l’or a permis l’apparition d’une caste d’exploitants miniers appelés localement les « mbingas », un terme d’argot zimbabwéen qui signifie « jeune individu riche et crasseux ». Ces jeunes riches, dont l’opulence est admirée par les populations locales, sont malgré tout perçus comme des influenceurs positifs qui incarnent l’esprit entrepreneurial. Certains « mbingas » ont formalisé leurs activités. Le cas de Pedzai Sakupwanya, plus connu localement sous le surnom de « Scott » est très remarquable. Cette « enfant de ghetto », qui affirme employer plus de 400 mineurs artisanaux, a créé les entreprises formelles à l’instar Better Brands Jewellery et Better Brands Mining Company.
Pour faciliter la formalisation de l’exploitation artisanale de l’or, l’auteur du rapport recommande notamment aux autorités zimbabwéennes de créer un fonds spécialisé dans l’octroi de financements aux jeunes souhaitant obtenir des permis miniers, d’alléger les procédures administratives, et de renforcer l’Etat de droit pour mettre fin à la corruption et à la violence qui gangrènent le secteur.
Source : Agence Ecofin